Un trailer qui marche ira toujours plus loin qu'un critique assis.
S'il est des courses où je m'inscris pour essayer d'y être performant, et
ce sera le cas en 2013 sur les épreuves du Challenge des Trails du Sud-ouest,
il m'arrive aussi d'aborder les longues avec pour seul objectif la découverte
d'un territoire et de ses sentiers, sur un rythme touristique, n'en déplaise
aux critiques obtus et autres intégristes du chrono qui ne voient dans le
coureur d'ultra qu'un randonneur un peu rapide. Nulle loi n'impose d'aborder un
trail avec pour seule quête la performance. Que ceux qui ne connaissent pas le
plaisir de la contemplation des paysages et des ravitos où l'on prend le temps
de déguster et d'échanger avec les bénévoles sachent qu'ils perdent quelque
chose.
Nuit fraîche avant la course.
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Toute cette introduction pour présenter mon
état d'esprit lorsque je m'aligne au départ de ce Trail aux Etoiles, d'un
format raisonnable de 58km pour 2800md, à l'heure où l'on joue à celui qui a le
plus gros ultra. En manque de vraies sorties longues, je ne peux qu'être humble
et aborder la distance en espérant
qu'une allure tranquille m'évitera les problèmes. La chance est avec nous et
après une vraie période hivernale et enneigée, c'est un magnifique soleil
printanier qui nous attend pour ce départ prévu à midi.
Tenue ERREA version printemps.
Comme beaucoup d'autres, je pars donc léger en
short et t-shirt, mais avec tout le matériel obligatoire (que certains semblent
avoir omis de prendre) et même plus en vue d'une arrivée nocturne qui sera sans
doute fraîche. Après avoir marché à la suite d'une joyeuse troupe musicale dans
les rues du Vigan, le départ réel est donc donné à midi. Je pars sur un rythme
léger, à peu près au milieu du peloton de 300 coureurs. Nous serons plus de 600
sur les trois distances proposées.
Un passage plat en bord de rivière permet de
s'échauffer un peu avant d'attaquer un très raide sentier où tout le monde se
met à marcher. Au-dessus, c'est sur une large piste que nous allons évoluer un
petit moment, alternant trot et marche selon le degré de la pente.
Un joli sentier de crête nous offre de belles
vues sur les villages et vallées déjà bien en dessous de nous. Puis nous
plongeons sur le hameau de l'Arboux par un sentier qui s'avère technique puis
joueur à travers bois. Je l'aborde doucement, pour éviter de fatiguer mes jambes prématurément mais aussi
pour éviter une chute telle que celle que j'ai connue quinze jours auparavant
sur la Sauta Roc.
Dans la vallée, je croise quelques spectateurs
qui nous encouragent, comme Christian l'organisateur de l'excellent Trail de
Quillan. Un courte montée où je passe des coureurs qui peinent un peu m'emmène
ensuite au premier ravitaillement. Quinze kilomètres parcourus en un peu moins
de deux heures, je suis dans une moyenne raisonnable pour la distance. Je
refais le plein du bidon, mange un peu de salé tout en buvant du coca et repars
pour une courte montée qui m'amène sur un joli sentier en balcon.
Au loin, j'aperçois le sommet de la Toureille,
point haut de la course à 1200m d'altitude. Je profite toujours du grand ciel
bleu et des paysages des Cévennes, joli coin de France que je ne connaissais
qu'en tant que spectateur du mythique rallye qui s'y déroule début novembre.
Organisateurs ou coureurs, nous sommes nombreux à avoir connu ici de grandes
heures de fêtes arrosées, pas que par la pluie, dans l'attente du passage des
bolides. Mais aujourd'hui je ne suis plus spectateur mais acteur de la course
et c'est ainsi que malgré mon rythme tranquille, je passe la première barrière
horaire avec une large avance.
Nous sommes maintenant au pied de la très
raide montée en direction de la Serre de la Toureille : 500md à grimper en
moins de deux kilomètres, on est sur un format de Km vertical. Courant jusque
là à l'économie, je monte facilement, dépassant de nombreux coureurs qui
semblent être dans le dur.
C'est ainsi que je rejoins Cyril, que j'ai
déjà croisé sur les sentiers de l'Ultra Trail Atlas Toubkal. C'est même lui qui
est en photo sur le cliché qui a eu l'honneur de la double page dans Esprit
Trail. Nous sommes heureux de nous revoir et nous discutons un peu avant que je
poursuive mon ascension.
Sur le haut du relief, la neige est encore
présente et c'est un intermède amusant sur les sentiers cévenols, même si tout
le monde ne semble pas très à l'aise sur cette surface. Je perds trois bonnes
minutes à attendre qu'un coureur arrive dans
le décor que j'ai choisi pour une de mes photos.
J'arrive en haut toujours frais, échange
quelques mots avec un des organisateurs avant de me lancer dans la descente et
rejoindre le deuxième ravito, auprès d'une superbe bâtisse en pierres. Je
refais le niveau du bidon en appréciant Coca, petits bouts de fromage et
tartine de pâté.
J'en repars en forme pour la partie du tracé qui va s'avérer la moins
intéressante : une descente progressive, d'abord sur route puis sur larges
pistes, entrecoupée de rares parties sur sentier. A chaque chose malheur est
bon et je convertis cette partie pénible en entrainement pour l'épreuve de 24h
qui m'attend dans un mois. L'occasion de s'habituer à une allure lente, une
foulée régulière et économe, car je n'ai pas prévu de préparation spécifique,
juste des sorties longues comme aujourd'hui mais pas sur des terrains
rébarbatifs.
J'ai la chance de n'avoir aucun problème
digestif aujourd'hui mais à l'approche des 5h de course, je décide d'arrêter
préventivement la boisson énergétique pour la remplacer par un mélange eau/coca
dès le prochain ravito. Ma stratégie alimentaire est donc prête, mais s'effondre
à mon arrivée au ravito d'Aulas au km30, car il n'y a ici plus de Coca. Les
bénévoles nous annonçant un renouvellement du stock sous peu, je prends le
temps de manger un peu en buvant de l'eau. Mais les minutes s'écoulent et
malgré la proximité du centre nerveux de la course, aucune livraison de Coca
n'est en vue. J'en repars donc après dix minutes d'attente, chargé en eau et
assez énervé.
J'essaie de gérer cette contrariété et de la
transformer en énergie pour avancer. Je double d'ailleurs une nouvelle fois
deux coureurs que je distance régulièrement en montée, alors qu'ils me
repassent tout aussi régulièrement dans les descentes qui suivent. Ce sont les
"yoyos" du jour.
Nous passons les petits villages de Serres et Mars et même si le soleil
est caché derrière le relief il fait toujours bon, mon t-shirt ERREA suffisant
pour le moment. Depuis longtemps je n'ai plus envie de sucré et je croque de
temps en temps dans une barre énergétique à la pizza. Je suis maintenant parti depuis
plus de 6h et je ressens un net coup de fatigue. J'avance cependant mais lentement,
sur des sentiers toujours agréables. Le doute a décidé de me rendre visite et en ces instants de sombres réflexions, je
n'envisage plus de faire le trail de 60km prévu début mai, ni même de me
présenter à Fontfroide dans une semaine. Je trottine rarement et marche
beaucoup, mais c'est aussi là que me vient l'idée géniale de paraphraser une célèbre
citation d'Audiard :
"Un trailer qui marche ira toujours plus loin qu'un
critique assis".
Et c'est sur cette belle pensée que j’arrive au col de Mouzoulès, environ
au 40ème km. Les "yoyos" y arrivent avant moi, signe que
je n'étais pas bien puisqu'ils m'ont passé en montée. Un sympathique bénévole
me propose de l'eau. J'hésite car il ne reste que 6km, supposés en descente,
jusqu'au prochain ravito mais finalement je refais le plein du bidon, ce qui me
sera bien utile. J'assiste ici à un magnifique coucher de soleil sur fond de
menhir dressé au col. Un beau moment.
Plus que 18km...
La fraîcheur commençant à tomber, je mets une
couche manche longue sous mon t-shirt, me couvre la gorge et reprend la montée
en direction de la Fageole. Arrivé au sommet, je pense basculer définitivement dans
la descente mais il n'en est rien. Je vais naviguer encore un moment sur un sentier
de crête, enchainant courtes montées et descentes. La nuit tombe, mais je
recule au maximum le moment d'allumer ma frontale, me fondant dans la nature,
au milieu des sous-bois qui composent le début de la véritable descente.
Le sentier est superbe, mais il devient risqué
de deviner les pièges qui s'y cachent même si je descends tranquillement. Je me
décide donc à allumer. Mais la nuit n'est pas venue seule et elle m'apporte un
regain de forme inattendu. Je me surprends à tenir à nouveau une belle allure
sur ces petits sentiers et c'est dans un état satisfaisant que j'arrive au
ravito du Bez, km46, après 7h30 de course.
Alors que j'avale une soupe chaude, je me
force à ne pas entendre les sirènes d'un bénévole qui demande s'il peut ramener
quelqu'un vers l'arrivée. Il ne reste que 12km, mais sur un ultra rien n'est
jamais gagné. Je mange encore un peu de pâté, prend en réserve un peu de
fromage et repars, le bidon enfin rempli d'un mélange eau/coca. A la sortie de
la salle, le froid me saisit mais je ne sors pas le coupe vent, sachant qu'en
courant je vais me réchauffer.
Car oui, je cours à nouveau et trottine même
dans les montées. Mais c'est quand même en marchant que je gravis le raide
sentier qui s'élève en direction d'Esparon. La nuit est noire, les paysages
absents mais ce chemin a du charme et je le parcours à un bon rythme, suivi
d'un autre coureur. On échange peu de mots mais sa compagnie est agréable. On
rigole même de cette pente que l'on croyait finie et qui se poursuit encore
après Esparon. On finit quand même par basculer dans une belle descente, très
technique et c'est un plaisir de naviguer entre les rochers à la lueur de la frontale.
Mon compagnon du moment semble manquer de jambes et je le distance rapidement.
Je rejoins ensuite la partie plane qui compose
la fin du parcours. Je cours toujours, entrainant un moment un coureur dans mon
sillage, en doublant d'autres qui ne peuvent que marcher.
Tout va bien !
J'avale la dernière petite bosse sans mal et j'arrive enfin au Vigan,
bouclant mon périple en 9h39. Aucune larme ne me vient mais je suis heureux
d'avoir parcouru de très beaux sentiers et paysages, comme d'avoir géré
correctement la distance et d'en terminer fatigué, sans être épuisé. Je reçois
un joli manches longues de Finisher, discute avec Christian tout en me
ravitaillant, avant d'aller prendre une douche réparatrice suivie d'un repas qui
aurait pu être plus copieux. Mais l'impression générale est très bonne, le
balisage était sans faille et j'ai partagé avec d'autres coureurs une grande satisfaction
quant à ce beau parcours, très varié, mais qu'il ne faut pas aborder à la
légère. Une course que je recommande et sur laquelle je reviendrai avec
plaisir.
Après une bonne nuit de sommeil, fuyant les autoroutes et profitant du
soleil, j'ai effectué un retour aussi touristique que ma course, traversant de
beaux paysages pour rejoindre Lodève puis les alentours du Caroux. Un très très
beau weekend en terre cévenole.
7 commentaires:
Très beau récit! Tu nous a sorti de très belles photos et tu as l'air de t'être régalé. N'est-ce pas là l'essentiel?
Bon courage pour la dernière ligne droite de l'organisation des Citadelles
je viens de te lire! superbe! bravo : je mets un lien sur notre blog...c'est moi qui le gère...amitiés cyril
Bien joué Michel. J'aime bien ton introduction car c'est maintenant ma devise pour les courses à venir : plaisir, découverte et partage.
Excellente ton introduction dans laquelle je me reconnais pleinement..
Et pour la suite, toujours d'aussi belles photos pour illustrer ce récit transpirant l'abnégation...Bravo Michel et ne sois pas dans le doute, Fontfroide est pour toi !
j'ai lu dans sa dernière interview qu'Antoine Guillon dit "j'aime l'ultra car on marche parfois ce qui permet de voir de beaux paysages".
cette phrase s'applique bien à ton CR,loin de tout chrono, ça fait du bien de voir et d'immortaliser ces images.
belle course,beau CR et belles photos.
bonne continuation.
salut michel,
c'est toujours aussi plaisant de lire tes cr. Je pense que cette alternance dans la façon d'aborder les courses est la clé de la longévité et le gage d'un plaisir sans cesse renouvelé.
je le répète et le répèterai sûrement encore tu fais parti de ces personnes qui collent au mieux à l'image que je me fais du trail.
que la pêche reste avec toi...
à très bientôt
pascal
salut super reportage et photos :)
d'ailleurs tu m'as pris deux fois ( avec le bandana ) !! me souviens de toi !! une très belle expérience ce trail !!! bonne récup :)
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