vendredi 8 mars 2013

Trail aux Etoiles


Un trailer qui marche ira toujours plus loin qu'un critique assis.


S'il est des courses où je m'inscris pour essayer d'y être performant, et ce sera le cas en 2013 sur les épreuves du Challenge des Trails du Sud-ouest, il m'arrive aussi d'aborder les longues avec pour seul objectif la découverte d'un territoire et de ses sentiers, sur un rythme touristique, n'en déplaise aux critiques obtus et autres intégristes du chrono qui ne voient dans le coureur d'ultra qu'un randonneur un peu rapide. Nulle loi n'impose d'aborder un trail avec pour seule quête la performance. Que ceux qui ne connaissent pas le plaisir de la contemplation des paysages et des ravitos où l'on prend le temps de déguster et d'échanger avec les bénévoles sachent qu'ils perdent quelque chose.
 

Nuit fraîche avant la course.

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Toute cette introduction pour présenter mon état d'esprit lorsque je m'aligne au départ de ce Trail aux Etoiles, d'un format raisonnable de 58km pour 2800md, à l'heure où l'on joue à celui qui a le plus gros ultra. En manque de vraies sorties longues, je ne peux qu'être humble et aborder la distance  en espérant qu'une allure tranquille m'évitera les problèmes. La chance est avec nous et après une vraie période hivernale et enneigée, c'est un magnifique soleil printanier qui nous attend pour ce départ prévu à midi.


Tenue ERREA version printemps.




Comme beaucoup d'autres, je pars donc léger en short et t-shirt, mais avec tout le matériel obligatoire (que certains semblent avoir omis de prendre) et même plus en vue d'une arrivée nocturne qui sera sans doute fraîche. Après avoir marché à la suite d'une joyeuse troupe musicale dans les rues du Vigan, le départ réel est donc donné à midi. Je pars sur un rythme léger, à peu près au milieu du peloton de 300 coureurs. Nous serons plus de 600 sur les trois distances proposées.












Un passage plat en bord de rivière permet de s'échauffer un peu avant d'attaquer un très raide sentier où tout le monde se met à marcher. Au-dessus, c'est sur une large piste que nous allons évoluer un petit moment, alternant trot et marche selon le degré de la pente.






Un joli sentier de crête nous offre de belles vues sur les villages et vallées déjà bien en dessous de nous. Puis nous plongeons sur le hameau de l'Arboux par un sentier qui s'avère technique puis joueur à travers bois. Je l'aborde doucement, pour éviter  de fatiguer mes jambes prématurément mais aussi pour éviter une chute telle que celle que j'ai connue quinze jours auparavant sur la Sauta Roc.











Dans la vallée, je croise quelques spectateurs qui nous encouragent, comme Christian l'organisateur de l'excellent Trail de Quillan. Un courte montée où je passe des coureurs qui peinent un peu m'emmène ensuite au premier ravitaillement. Quinze kilomètres parcourus en un peu moins de deux heures, je suis dans une moyenne raisonnable pour la distance. Je refais le plein du bidon, mange un peu de salé tout en buvant du coca et repars pour une courte montée qui m'amène sur un joli sentier en balcon.








Au loin, j'aperçois le sommet de la Toureille, point haut de la course à 1200m d'altitude. Je profite toujours du grand ciel bleu et des paysages des Cévennes, joli coin de France que je ne connaissais qu'en tant que spectateur du mythique rallye qui s'y déroule début novembre. Organisateurs ou coureurs, nous sommes nombreux à avoir connu ici de grandes heures de fêtes arrosées, pas que par la pluie, dans l'attente du passage des bolides. Mais aujourd'hui je ne suis plus spectateur mais acteur de la course et c'est ainsi que malgré mon rythme tranquille, je passe la première barrière horaire avec une large avance.














Nous sommes maintenant au pied de la très raide montée en direction de la Serre de la Toureille : 500md à grimper en moins de deux kilomètres, on est sur un format de Km vertical. Courant jusque là à l'économie, je monte facilement, dépassant de nombreux coureurs qui semblent être dans le dur.




C'est ainsi que je rejoins Cyril, que j'ai déjà croisé sur les sentiers de l'Ultra Trail Atlas Toubkal. C'est même lui qui est en photo sur le cliché qui a eu l'honneur de la double page dans Esprit Trail. Nous sommes heureux de nous revoir et nous discutons un peu avant que je poursuive mon ascension.








Sur le haut du relief, la neige est encore présente et c'est un intermède amusant sur les sentiers cévenols, même si tout le monde ne semble pas très à l'aise sur cette surface. Je perds trois bonnes minutes à attendre qu'un coureur arrive  dans le décor que j'ai choisi pour une de mes photos.





J'arrive en haut toujours frais, échange quelques mots avec un des organisateurs avant de me lancer dans la descente et rejoindre le deuxième ravito, auprès d'une superbe bâtisse en pierres. Je refais le niveau du bidon en appréciant Coca, petits bouts de fromage et tartine de pâté. 






J'en repars en forme pour la partie du tracé qui va s'avérer la moins intéressante : une descente progressive, d'abord sur route puis sur larges pistes, entrecoupée de rares parties sur sentier. A chaque chose malheur est bon et je convertis cette partie pénible en entrainement pour l'épreuve de 24h qui m'attend dans un mois. L'occasion de s'habituer à une allure lente, une foulée régulière et économe, car je n'ai pas prévu de préparation spécifique, juste des sorties longues comme aujourd'hui mais pas sur des terrains rébarbatifs.






J'ai la chance de n'avoir aucun problème digestif aujourd'hui mais à l'approche des 5h de course, je décide d'arrêter préventivement la boisson énergétique pour la remplacer par un mélange eau/coca dès le prochain ravito. Ma stratégie alimentaire est donc prête, mais s'effondre à mon arrivée au ravito d'Aulas au km30, car il n'y a ici plus de Coca. Les bénévoles nous annonçant un renouvellement du stock sous peu, je prends le temps de manger un peu en buvant de l'eau. Mais les minutes s'écoulent et malgré la proximité du centre nerveux de la course, aucune livraison de Coca n'est en vue. J'en repars donc après dix minutes d'attente, chargé en eau et assez énervé.





J'essaie de gérer cette contrariété et de la transformer en énergie pour avancer. Je double d'ailleurs une nouvelle fois deux coureurs que je distance régulièrement en montée, alors qu'ils me repassent tout aussi régulièrement dans les descentes qui suivent. Ce sont les "yoyos" du jour.


Nous passons les petits villages de Serres et Mars et même si le soleil est caché derrière le relief il fait toujours bon,  mon t-shirt ERREA suffisant pour le moment. Depuis longtemps je n'ai plus envie de sucré et je croque de temps en temps dans une barre énergétique à la pizza. Je suis maintenant parti depuis plus de 6h et je ressens un net coup de fatigue. J'avance cependant mais lentement, sur des sentiers toujours agréables. Le doute a décidé de me rendre visite  et en ces instants de sombres réflexions, je n'envisage plus de faire le trail de 60km prévu début mai, ni même de me présenter à Fontfroide dans une semaine. Je trottine rarement et marche beaucoup, mais c'est aussi là que me vient l'idée géniale de paraphraser une célèbre citation d'Audiard : 
"Un trailer qui marche ira toujours plus loin qu'un critique assis".





Et c'est sur cette belle pensée que j’arrive au col de Mouzoulès, environ au 40ème km. Les "yoyos" y arrivent avant moi, signe que je n'étais pas bien puisqu'ils m'ont passé en montée. Un sympathique bénévole me propose de l'eau. J'hésite car il ne reste que 6km, supposés en descente, jusqu'au prochain ravito mais finalement je refais le plein du bidon, ce qui me sera bien utile. J'assiste ici à un magnifique coucher de soleil sur fond de menhir dressé au col. Un beau moment.






Plus que 18km...




La fraîcheur commençant à tomber, je mets une couche manche longue sous mon t-shirt, me couvre la gorge et reprend la montée en direction de la Fageole. Arrivé au sommet, je pense basculer définitivement dans la descente mais il n'en est rien. Je vais naviguer encore un moment sur un sentier de crête, enchainant courtes montées et descentes. La nuit tombe, mais je recule au maximum le moment d'allumer ma frontale, me fondant dans la nature, au milieu des sous-bois qui composent le début de la véritable descente.



Le sentier est superbe, mais il devient risqué de deviner les pièges qui s'y cachent même si je descends tranquillement. Je me décide donc à allumer. Mais la nuit n'est pas venue seule et elle m'apporte un regain de forme inattendu. Je me surprends à tenir à nouveau une belle allure sur ces petits sentiers et c'est dans un état satisfaisant que j'arrive au ravito du Bez, km46, après 7h30 de course.


Alors que j'avale une soupe chaude, je me force à ne pas entendre les sirènes d'un bénévole qui demande s'il peut ramener quelqu'un vers l'arrivée. Il ne reste que 12km, mais sur un ultra rien n'est jamais gagné. Je mange encore un peu de pâté, prend en réserve un peu de fromage et repars, le bidon enfin rempli d'un mélange eau/coca. A la sortie de la salle, le froid me saisit mais je ne sors pas le coupe vent, sachant qu'en courant je vais me réchauffer.








Car oui, je cours à nouveau et trottine même dans les montées. Mais c'est quand même en marchant que je gravis le raide sentier qui s'élève en direction d'Esparon. La nuit est noire, les paysages absents mais ce chemin a du charme et je le parcours à un bon rythme, suivi d'un autre coureur. On échange peu de mots mais sa compagnie est agréable. On rigole même de cette pente que l'on croyait finie et qui se poursuit encore après Esparon. On finit quand même par basculer dans une belle descente, très technique et c'est un plaisir de naviguer entre les rochers à la lueur de la frontale. Mon compagnon du moment semble manquer de jambes et je le distance rapidement.







Je rejoins ensuite la partie plane qui compose la fin du parcours. Je cours toujours, entrainant un moment un coureur dans mon sillage, en doublant d'autres qui ne peuvent que marcher.


Tout va bien !




J'avale la dernière petite bosse sans mal et j'arrive enfin au Vigan, bouclant mon périple en 9h39. Aucune larme ne me vient mais je suis heureux d'avoir parcouru de très beaux sentiers et paysages, comme d'avoir géré correctement la distance et d'en terminer fatigué, sans être épuisé. Je reçois un joli manches longues de Finisher, discute avec Christian tout en me ravitaillant, avant d'aller prendre une douche réparatrice suivie d'un repas qui aurait pu être plus copieux. Mais l'impression générale est très bonne, le balisage était sans faille et j'ai partagé avec d'autres coureurs une grande satisfaction quant à ce beau parcours, très varié, mais qu'il ne faut pas aborder à la légère. Une course que je recommande et sur laquelle je reviendrai avec plaisir.










Après une bonne nuit de sommeil, fuyant les autoroutes et profitant du soleil, j'ai effectué un retour aussi touristique que ma course, traversant de beaux paysages pour rejoindre Lodève puis les alentours du Caroux. Un très très beau weekend en terre cévenole.





7 commentaires:

Alexis a dit…

Très beau récit! Tu nous a sorti de très belles photos et tu as l'air de t'être régalé. N'est-ce pas là l'essentiel?
Bon courage pour la dernière ligne droite de l'organisation des Citadelles

cyril a dit…

je viens de te lire! superbe! bravo : je mets un lien sur notre blog...c'est moi qui le gère...amitiés cyril

Steve a dit…

Bien joué Michel. J'aime bien ton introduction car c'est maintenant ma devise pour les courses à venir : plaisir, découverte et partage.

Francis a dit…

Excellente ton introduction dans laquelle je me reconnais pleinement..
Et pour la suite, toujours d'aussi belles photos pour illustrer ce récit transpirant l'abnégation...Bravo Michel et ne sois pas dans le doute, Fontfroide est pour toi !

domi81 a dit…

j'ai lu dans sa dernière interview qu'Antoine Guillon dit "j'aime l'ultra car on marche parfois ce qui permet de voir de beaux paysages".
cette phrase s'applique bien à ton CR,loin de tout chrono, ça fait du bien de voir et d'immortaliser ces images.
belle course,beau CR et belles photos.
bonne continuation.

pascal a dit…

salut michel,

c'est toujours aussi plaisant de lire tes cr. Je pense que cette alternance dans la façon d'aborder les courses est la clé de la longévité et le gage d'un plaisir sans cesse renouvelé.
je le répète et le répèterai sûrement encore tu fais parti de ces personnes qui collent au mieux à l'image que je me fais du trail.

que la pêche reste avec toi...
à très bientôt
pascal

Anonyme a dit…

salut super reportage et photos :)


d'ailleurs tu m'as pris deux fois ( avec le bandana ) !! me souviens de toi !! une très belle expérience ce trail !!! bonne récup :)