Difficile de revenir de cet Ultra Trail Atlas Toubkal
millésime 2011 et de reprendre son quotidien, la tête remplie d’images et
d’émotions. En effet parler d’une course
pour cet évènement serait pour le moins réducteur, car il s’agit là d’un voyage
au cœur du Maroc, de la découverte d’un territoire et de ses habitants.
Tout commence au cœur de la circulation dans la navette qui
nous mène de l’aéroport de Marrakech au site d’Oukaïmeden : le code de la
route est appliqué ici avec une grande souplesse et chacun se faufile comme il
peut entre voitures, mobylettes et charrettes tirées par des ânes. Le trajet par
la vallée de l’Ourika puis par une route escarpée surplombant une sorte de
grand canyon rougeoyant est superbe. Après une heure et demie de trajet, nous
arrivons à Oukaïmeden, unique station de ski du Maroc, pour retrouver
l’ensemble des coureurs, organisateurs et bénévoles, logés sous un village de
tentes ou au sein du bâtiment du Club Alpin Français.
Sous un superbe soleil, le mercredi sent bon l’avant
course : de petites balades alentour pour repérer un peu les sentiers,
voir quelques peintures rupestres ou juste pour le plaisir d’un premier contact
avec ces terres berbères (voir UltraTrail Atlas Toubkal, l'avant course ).
La journée est aussi consacrée au contrôle des sacs,
préambule à la remise du dossard. Les vallées que nous allons parcourir sont
très reculées, loin de tout accès facile et il importe que chacun ait de quoi
se prémunir en attendant les secours si un problème survenait.
Le soir, tout le monde se retrouve après le briefing pour une
pasta party autour des tables du CAF, lieu privilégié pour retrouver quelques
connaissances ou lier de nouvelles amitiés. Après une nuit courte et souvent
agitée en raison des bruits inévitables d’un dortoir de huit personnes, l’heure
est au petit déjeuner précédant le départ.
J'arrive au ravito en 2h30 pour y refaire le plein de mon bidon, tout en avalant un coca et quelques cacahuètes. Il y a aussi un large choix de fruits secs auxquels je ne touche pas. Je repars du ravito rapidement, en compagnie d'une fille, Alexandra, qui m'apprend qu'elle est quatrième. Nous nous engageons sur la large piste qui monte en lacets, discutant un peu et prenant quelques photos.
plus de vingt minutes que nous avançons ensemble, quand nous arrivons au erminus de la piste. Un petit sentier démarre là, sans marque de peinture… Et c'est à cet instant que nous réalisons que nous n'en avons pas vu depuis des centaines de mètres. Il faut se rendre à l'évidence, nous nous sommes trompés.
Il ne nous reste plus qu'à parcourir en sens inverse ces quelques kilomètres. Alexandra
est énervée car elle joue le classement et elle part donc rapidement, alors que
pour ma part je sais ce temps perdu et je ne souhaite pas me fatiguer trop
vite. C'est donc après avoir perdu environ 45 minutes que je retrouverai le
départ d'un petit sentier, bien signalé mais que nous n'avions pas vu.
Alexandra va ainsi foncer et reprendre plusieurs féminines pour terminer à une
brillante troisième place.
Pour moi, la grosse ascension de 1300m+ vers le col de Tizzin' Tacheddirt
commence. C'est un joli sentier à flanc de montagne qui va m'amener vers les
habitations encore plus isolées du village d’Iabassenne. Nous croisons ici de nombreux
enfants et les petites filles fuient dès qu'elles voient le moindre appareil
photo. Je respecte cela et ne cherche pas à voler leur image. Je traverse les
petites ruelles, totalement dépaysé avant de poursuivre cette grosse ascension.
m'arrête d'ailleurs dès que je croise un torrent pour mouiller buff et casquette
qui me protègent. Le sentier est escarpé, rocailleux, mais jamais dangereux au
cœur de ces gorges arrides, où j'entends au-dessus de moi les grosses voix allemandes
d’une colonne de randonneurs. Euphorie ou manque d'oxygène pour le cerveau, je
pars dans un délire qui me ramène au renard du désert, Rommel, durant la seconde
guerre mondiale. De mon pas rapide, je rattrape
bientôt cette vingtaine d'allemands, qui se mettent en ligne au bord du
sentier pour me laisser passer et m’encourager.
Je me retiens de les saluer, tel le colonel passant ses troupes en revue, et je
me retiens aussi de rire de ma connerie.
aussi raide. On joue un peu au yoyo au gré de mes pauses photo, puis je dépasse
également un coureur marocain qui n'a pas l'air au mieux. Je lui propose à
boire ou à manger, mais il refuse, semblant n'avoir besoin de rien. J'atteints
enfin après ce gros effort le col de Tizzin' Tacheddirt à 3200m. Je pointe
auprès des bénévoles et de leur bouteille d'oxygène, prévue au cas où un
coureur serait mal, et bascule en direction de Tacheddirt, 600m plus bas.
chargées. Le sentier est étroit et je dois zigzaguer entre rochers et
broussailles pour doubler. Cendrine, puisque c'est son prénom, emboîte mon pas
et nous nous lançons dans une superbe descente. Le sentier est un peu
technique, tracé en zigzag sur une pente parsemée de petits cailloux et nous
enchaînons les lacets à un bon rythme, sans chercher à couper comme ce serait facilement
réalisable. On a le temps de discuter un peu tout en regardant où l'on pose les
pieds et on arrive ainsi rapidement à une courte portion de route. L'avantage
d'être à deux c'est qu'on ne faiblit pas sur ce faux plat montant et qu'on
arrive à courir jusqu'au sentier qui nous mène à Tacheddirt et son ravito.
Cendrine est pressée et repart rapidement, tandis que je bois plusieurs verres accompagnés
de cacahuètes, en refaisant les niveaux du bidon et de la poche à eau. Je salue
les sympathiques bénévoles avant d'attaquer une nouvelle montée de 600m+. Je
salue encore quelques enfants avant de me retrouver seul dans la montagne.
couvre têtes. Cette ascension vers le col de Tizzi n'Addi est raide, mais je
monte toujours bien. J'appréhende plutôt le final, car lors du briefing on nous
a prévenus que cette partie serait engagée, qu'il faudrait poser les mains, même
s'il n'y avait pas de risque vital…
technique, mais qui en définitive ne présentera aucun passage délicat pour moi
qui n'aime pas le vide.
quelques mots mais lui aussi semble n'avoir besoin de rien.
niveau du col. Je finis par m'en approcher et ce sont les joyeux drilles du
club de Caval Pertuis qui sont là pour nous encourager. Je plaisante un peu
avec eux, réchauffé par tous ces encouragements et alors que je m'éloigne
d'eux, une belle vague d'émotion m'envahit.
C'est la marque d'une belle course, une de celles qui sont magnifiquement
vécues et réussies. Un troupeau de chèvres me regarde basculer vers la descente
en direction d'Oukaïmeden, maintenant à quelques kilomètres. La descente est
facile mais moins intéressante que les parties précédentes et précède une longue
partie en plaine. Il s'agit là de courir quelques kilomètres à plat, l'occasion
de saluer d'autres habitants comme ce berger qui préparait un tagine, se
réchauffant devant un petit feu de bois.
Je finis par apercevoir les remontées mécaniques de la
station, puis le village de tentes de la course. J'en termine à une bonne allure
en 8h23, pas vraiment fatigué, mais avec un large sourire sur le visage, témoin
du bonheur que j'ai eu à parcourir ces montagnes, à admirer ces paysages et à partager
quelques instants de la vie des habitants croisés.
Je profite ensuite des soins mis à disposition pour me faire masser et la kiné devinera d'ailleurs au toucher de mes muscles que je ne me suis pas vraiment défoncé en course.
Le lendemain je partirai sur le final du parcours (photos à venir),
photographier les derniers arrivants du 105km comme du 24, croisant plusieurs
de mes compagnons d'aventure de la veille qui eux ont choisi de disputer le
Challenge de l'Atlas. Tout ceci se terminera le soir autour d'un bon couscous
partagé au sein du CAF, avant la remise de prix. Après une dernière nuit sur
place, l'heure sera au départ pour tout le monde, certains partant directement
pour la France tandis que d'autres profiteront par exemple d'une soirée animée
au coeur de Marrakech.
Finalement, je pense que mon esprit comme celui des autres participants restera pour un moment encore sur cette belle aventure, et le fait que je n'ai pas échangé mes dirhams au retour est la meilleure preuve que l'envie de revenir parcourir les sentiers de l'Atlas est
profondément ancrée en moi.
8 commentaires:
Nota : les photos de l'arrivée sont de Cyril Bussat.
Tiens je croyais qu'on avait pas le droit de ramener des dirhams?
je ne connaissais que la vallée de l'Ourika, merci pour ce magnifique reportage; ça fait drolement envie.
félicitations pour ce travail de mémoire !
à plus.. ;)
C'est une Belle aventure que tu nous fais partager à travers ce récit ; le dépaysement est total et les photos sont superbes.
Un bien beau reportage, une belle course, de belles rencontres. Le bonheur en fait..........
Bravo pour ton récit, et les magnifiques photos que tu ramènes. Je pense que cela devrait, à raison, donner envie à de nouveaux trailers de découvrir cette si belle région l'année prochaine. Il est vrai que ton récit traduit bien l'impression générale et l'ambiance que l'on a pu partager sur place. Et en plus tes images me donnent envie d'enfin commencer un entrainement pour me lancer sur ces chemins de montagne. Encore bravo pour ces émotions que tu sais très bien nous transmettre. Bravo et au plaisir de te croiser sur un nouveau trail. Cyril Bussat : photossports.com
1 bien belle aventure dont visiblement tu as savouré tous les instants.
1 grand merci pour ce nouveau reportage de grande qualité.
A+
C'est au moins la 3ième fois que je viens lire ce récit, alors je me décide à laisser un mot cette fois !
Bravo pour ces mots qui me donnent terriblement envie d'y être...et les photos sont superbes. Je suis effectivement inscrite cette année pour le 105km.
Au plaisir de se croiser par la bas !
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